Le point sur l’école en confinement

Vendredi 13 mars dernier, tous les établissements scolaires fermaient leurs portes pour une durée indéterminée (jusqu’à nouvel ordre).
A la veille de la reprise -virtuelle- lundi 20 avril pour l’académie de Montpellier, il est temps de dresser un premier bilan de ce mois passé en confinement.

Impliqués et imaginatifs

Des personnels fortement impliqués qui ont dû imaginer de nouvelles façons de travailler

Carcassonne, vendredi 13 mars 17H : le lycée ferme, je vide mon casier, les élèves de seconde ont quitté la classe en lançant : « bonnes vacances Madame !! ». Je sors de la salle avec un étrange sentiment : comment faire classe SANS élèves ? Que restera-t-il de la relation au fondement même de notre métier ? Comment garder le lien ? Avec les élèves ? Avec les collègues et l’administration ? Comment CPE et psychologues de l’EN vont-ils poursuivre le travail entamé avec les plus fragiles ? Avec ceux qui étaient en voie de réorientation ?
Le Ministre l’a pourtant dit et répété : « nous sommes prêts » !

3 semaines plus tard… Vendredi 3 avril. Les vacances de printemps sont là, malgré le confinement et l’annonce de « vacances apprenantes », le Ministre a bien compris que les personnels sont épuisés, et ont fait preuve d’une énergie incroyable pour assurer la continuité pédagogique. Nous avons bien besoin de repos et de déconnexion si nous voulons éviter un burn-out numérique.

Etions-nous réellement prêts ?

 

Quelle continuité pédagogique ?

Quelques précisions sur la continuité pédagogique dont se rengorge notre institution:

  • Nous voudrions rappeler que l’éducation nationale ne fournit aucun matériel de travail à ses professeurs : ni crayons papiers, ordinateur, imprimante, encre, ni caméra, ni micros, ni forfait internet, ni téléphone portable…
  • Certains collègues donc n’ont pas le matériel nécessaire à une communication à distance avec les élèves…. ce qui explique que tous ne peuvent en fait assurer la même « continuité pédagogique » .  Certains communiquent à l’aide de « Pronote » ; d’autres avec des plates-formes diverses indiquées par notre institution ou pas.
  • Les compétences des collègues face à ces outils de communication sont diverses et variées ce qui explique également les formes multiples de cette continuité pédagogique.

Sur les contenus de la continuité pédagogique :

  • Les trois premières semaines ont vu deux conceptions différentes : les tenants d’une reproduction de l’EDT à l’identique avec la même charge de travail demandée aux élèves ainsi que la course aux programmes.
    • Or l’apprentissage à la maison demande plus de temps d’appropriation de la part des élèves qui très vite ont été submergés par la quantité demandée.
    • Les parents n’ont pas pu suivre le rythme surtout quand il y a plusieurs enfants au foyer et des équipements informatiques limités. Ils ont l’impression de devenir des parents/ enseignants.
  • Très vite les collègues ont pris conscience de leurs projets trop ambitieux et ont réduit la voilure:
    • Un travail réparti sur la semaine qui accentue les révisions de notions ainsi que les approfondissements préparant à une éventuelle réouverture des écoles.
    • Un contact régulier qui permet de maintenir le lien et de raccrocher les élèves en difficulté.
    • Et toujours un souci de bien faire et un discours bienveillant envers les élèves et les parents.

Dans tous les cas les équipes éducatives ont montré une réelle volonté de bien faire ainsi qu’une capacité d’adaptation remarquable. Leur investissement est reconnu par les enfants mais aussi les parents ainsi le rôle des enseignants en sort grandi!

Avec la fin des vacances recommence le télétravail et l’annonce de la réouverture des écoles à partir du 11 mai nous apportera de la part des élèves mais aussi des parents certainement de nombreuses interrogations.

Avec le retour au présentiel, puissions-nous retrouver rapidement le «faire école» c’est à dire « apprendre ensemble grâce à le figure tutélaire du maître qui, tout à la fois, crée du commun et accompagne chacun dans sa singularité» ( P Meirieu ) .

La reprise à quel prix ?

La première préoccupation est bien sûr celle de la sécurité sanitaire. Mais peut-on limiter la reprise à cette seule urgence ?

Pourquoi est-il est important de reprendre ?

Le confinement nous a rappelé la fonction sociale de l’école. L’école à la maison étant encore plus inégalitaire que l’école d’avant, c’est dire le décrochage massif que risquent nos élèves les moins favorisés.

« La situation actuelle creuse des inégalités. Trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires et dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents », a déclaré Emmanuel Macron. Il s’est peut-être inspiré de Condorcet qui expliquait en 1792 que « L’inégalité d’instruction est une des principales sources de tyrannie ».

Il est important de reprendre l’école pour tous ces enfants qui ne peuvent compter que sur elle.

Dans quelles conditions ?

Les enseignants et les chefs d’établissement s’en  remettront scrupuleusement aux consignes que les médecins vont édicter.

La reprise ne peut se faire qu’en réorganisant les classes en demi-groupes et sur des rythmes différents de celui de l’école d’avant.

Cette période de confinement permet de saisir à quel point le rôle du professeur est structurant car apprendre ne consiste pas à accumuler des connaissances. (Autonomie, auto-évaluation, confiance, empathie, entraide…)

Les élèves ont besoin de leurs camarades, parce que la fonction première de l’école c’est d’apprendre ensemble, comme l’a rappelé Philippe Meirieu.

Les élèves ont besoin des adultes extérieurs à leur famille pour construire leurs apprentissages, pour progresser, pour devenir des citoyens.

Pour réfléchir et aller plus loin

11 mai l’impossible retour à l’école : interview d’Antoine Prost à France Culture

L’école d’après avec la pédagogie d’avant, Philippe Meirieu au café Pédagogique