C’est quoi la réforme des retraites 2023 présentée par la première ministre?

Retrouvez ci-dessous les réponses à vos questions concernant la réforme des retraites présentée par la Première ministre le 10 janvier 2023.

Négociation VS concertation ?

La négociation collective est un droit. Dans ce cadre, les organisations syndicales et patronales représentatives, ou les employeurs, négocient en vue d’aboutir à la conclusion de conventions et d’accords collectifs portant sur les conditions d’emplois et de travail des salariés et leurs garanties sociales.

La négociation permet de créer de nouveaux droits, mais aussi de mettre en œuvre et d’adapter des règles aux besoins des salariés et des employeurs, notamment en tenant compte des spécificités de leur profession et de leur entreprise.

Il existe 3 niveaux de négociation collective : le niveau national interprofessionnel (tous secteurs confondus), le niveau de la branche professionnelle (par secteur d’activité), le niveau de l’entreprise.

La concertation est un processus réunissant le gouvernement et les partenaires sociaux (organisations syndicales et patronales représentatives) afin d’engager un dialogue entre toutes les parties en vue d’une réforme. L’objectif est d’aboutir à des solutions partagées et innovantes. Elle ne donne pas lieu à un accord.

 

Âge légal VS durée de cotisation ?

L’âge légal est l’âge minimum pour prendre votre retraite soit : 62 ans dans le système actuel. Avec la réforme, cet âge augmenterait progressivement pour atteindre 63 ans et 3 mois en 2027 à la fin du quinquennat, puis 64 ans en 2030.

Mais, pour avoir droit à une retraite à taux plein, vous devez avoir un nombre précis de trimestres d’assurance retraite (variable selon votre année de naissance) : c’est la durée de cotisation.

Si une fois l’âge légal atteint, vous ne réunissez pas le nombre de trimestres requis pour obtenir une retraite à taux plein, vous pouvez partir à la retraite mais avec une « décote » sur le montant de votre pension : votre pension subira une minoration. Vous pouvez aussi faire le choix de poursuivre une activité professionnelle jusqu’à :

  • remplir les conditions pour bénéficier du taux maximum ;
  • avoir atteint l’âge du taux maximum automatique (fixé à 67 ans). C’est l’âge auquel vous pouvez partir à taux plein, même si vous n’avez pas cotisé tous les trimestres nécessaires.

Si une fois atteint l’âge légal, et votre taux plein, vous continuez votre activité professionnelle, vous obtiendrez une « surcote » lors de votre départ en retraite, c’est-à-dire que votre pension de retraite sera majorée.

 

Système par répartition VS système par capitalisation ?

Dans le système par répartition, les cotisations des actifs servent à financer les pensions des travailleurs qui sont à la retraite.

Dans le système par capitalisation, les salariés épargnent pour financer leur propre future retraite.

 

C’est quoi la réforme Touraine ?

Du nom de la ministre des Affaires sociales en poste à ce moment-là, la loi du 20 janvier 2014, ou Réforme Touraine, introduit :

  • l’allongement de la durée de cotisation jusqu’à 43 ans selon l’année de naissance. La durée d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein augmente progressivement pour atteindre 43 ans (172 trimestres) pour les personnes nées en 1973 ou après.
  • la création d’un Compte professionnel de pénibilité (C2P) (Voir « C’est quoi le Compte pénibilité ? ») pour les travailleurs exerçant des métiers exposés à un ou plusieurs risques professionnels reconnus. Ce compte vise à compenser la pénibilité au travail en donnant notamment la possibilité de partir plus tôt à la retraite sans décote.
  • un nouveau mode de validation de trimestre : il faut avoir cotisé sur un revenu équivalant à 150 heures de Smic, au lieu de 200 heures précédemment.
  • une meilleure prise en compte de la maternité.
  • une meilleure prise en compte de la période de formation
  • la création d’un Compte individuel retraite

 

C’est quoi le compte professionnel prévention (C2P) ?

Souvent appelé « Compte pénibilité », le Compte professionnel de prévention (C2P) permet de déterminer et de référencer les facteurs de risques professionnels auquel un travailleur peut être exposé. Ainsi le C2P vise à compenser la pénibilité au travail.

Depuis 2017, les facteurs de risques/pénibilité sont au nombre de 6, à savoir :

3 facteurs liés aux rythmes de travail :

  • le travail de nuit (1 heure de travail entre minuit et 5 heures),
  • le travail en équipes successives alternantes (travail posté en 5 x 8 ou 3 x 8, par exemple),
  • le travail répétitif (répétition d’un même geste à cadence contrainte ou travail à la chaine).

3 facteurs liés à un environnement physique agressif :

  • les activités exercées en milieu hyperbare (les hautes pressions, 1 200 hectopascals, comme dans le percement de tunnels, par exemple),
  • les températures extrêmes (température inférieure ou égale à 5° ou supérieure ou égale à 30°),
  • le bruit (exposition quotidienne à un bruit d’au moins 81 décibels pour une période de référence de 8 heures, et exposition à des bruits impulsionnels, brefs et répétés, d’au moins 135 décibels).

Au-delà de certains seuils d’exposition du salarié à l’un, ou plusieurs, des facteurs de risques, l’employeur à l’obligation de les déclarer à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Un C2P est alors ouvert automatiquement au bénéfice du salarié. Il sera crédité en points en fonction de l’exposition de celui-ci tout au long de sa carrière, et le salarié pourra les utiliser pour :

  • partir en formation pour accéder à des postes moins ou pas exposés,
  • bénéficier d’un temps partiel sans perte de salaire,
  • bénéficier d’une retraite anticipée en validant des trimestres de majoration de durée d’assurance vieillesse.

4 des 10 facteurs inclus dans l’ancien Compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), remplacé par le C2P en 2017, ont été supprimés en 2017 lorsque le C3P est devenu C2P :

  • les postures pénibles,
  • les manutentions manuelles de charges,
  • les vibrations mécaniques,
  • les agents chimiques dangereux.

La CFDT a revendiqué la réintégration de ces quatre critères, dans le cadre de la concertation sur l’actuelle réforme des retraites. Le gouvernement n’a pas repris cette proposition, alors que 95 % des maladies professionnelles reconnues en 2019 sont liés à l’un de ces facteurs. Il veut mettre en place, uniquement pour les 3 facteurs ergonomiques (pas les agents chimiques dangereux), une visite médicale de fin de carrière pour reconnaitre l’inaptitude, et permettre ainsi de partir à 62 ans à la retraite à taux plein. C’est attendre que les gens soient cassés pour leur permettre de s’arrêter.

 

C’est quoi le dispositif carrière longue ?

Le dispositif carrière longue concerne les assurés de tous les régimes et permet de partir en retraite anticipée, si vous avez commencé à travailler avant 20 ans, et si vous remplissez certaines conditions de durée d’assurance retraite.

Aujourd’hui, le dispositif est organisé en deux étages :

  • une personne qui a commencé à travailler avant 16 ans peut partir à 58 ans, si elle a cotisé assez de trimestres pour le taux plein ET de deux années de cotisations supplémentaires ;
  • une personne qui a commencé avant 20 ans peut partir à 60 ans, si elle a cotisé assez de trimestres pour le taux plein, sans année de cotisation supplémentaire.

Dans son projet, le gouvernement veut créer trois étages au dispositif, en modifiant les paramètres :

  • conserver un droit à départ anticipé à 58 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans, en diminuant le nombre d’années de cotisation supplémentaire (passanr de deux à une seule) ;
  • maintenir un droit au départ à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans (contre 20 ans aujourd’hui) mais en augmentant la durée de cotisation requise d’une année supplémentaire (contre aucune aujourd’hui) ;
  • reporter l’anticipation du droit à départ anticipé à 62 ans (contre 60 ans aujourd’hui) pour les personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans mais sans année de cotisation supplémentaire (comme aujourd’hui).

Le dispositif proposé va dans le bon sens pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans. En revanche, il est plus dur pour les personnes ayant commencé à travailler avant 18 et 20 ans.

 

C’est quoi le COR ? Et le fameux rapport du COR ?

Créé en 2000, le Comité d’orientation des retraites (COR) est une instance indépendante qui analyse et suit les perspectives à moyen et long terme de notre système de retraite.

Il produit un diagnostic et des projections, à partir d’hypothèses sur les évolutions démographiques, sociales et économiques, qui permettent d’étudier la viabilité financière du système de retraite actuel (par répartition), c’est le Rapport du COR. Il peut contenir des recommandations de nature à éclairer les choix en matière de politique des retraites.

Le dernier rapport du COR date de septembre 2022, il constitue la neuvième édition et dresse un constat des évolutions du système français des retraites au regard des objectifs qui lui sont assignés et en présente les projections à l’horizon 2070.

 

Que change la réforme sur l’âge légal de départ à la retraite ?

Si on ne regarde que l’âge légal de départ à la retraite (en laissant de côté les départs anticipés, pour carrière longue ou métier pénible par exemple), cet âge reste fixé à 62 ans pour les personnes nées jusqu’au 31 août 1961.

Avec la réforme, l’âge légal de départ augmente de 3 mois par an pendant 8 ans. Ainsi, pour les personnes nées après le 1er septembre 1961, l’âge légal sera de 62 ans et trois mois. En 2027, à la fin du quinquennat, l’âge sera à 63 ans et 3 mois, pour les personnes nées en 1965. En 2030, pour la génération née en 1968, l’âge légal sera à 64 ans.

 

Pourquoi trouve-t-on plusieurs chiffrages sur le déficit du système de retraite ?

Le rapport du COR qui se base sur plusieurs hypothèses économiques. Des hypothèses sur la croissance économique, sur le taux de chômage, et sur le niveau de participation de l’Etat. Cela permet d’aboutir à des fourchettes de besoin de financement. En fonction des hypothèses que l’on retient, ces fourchettes ne sont pas les mêmes. Il y a une partie qui relève de la situation économique du pays (le taux de croissance et le taux de chômage), mais il y a aussi une partie qui relève de choix politiques. La CFDT considère légitime d’attendre de l’Etat qu’il maintienne sa participation à la hauteur des enjeux, en tant qu’employeur, et pour financer les dispositifs de solidarité du système de retraite. Si l’on ajoute à cela les deux hypothèses les plus crédibles concernant la croissance et le taux de chômage, on arrive à un déficit entre 7 et 9 milliards d’euro en 2027.

 

Pourquoi la CFDT est-elle opposée au recul de l’âge de départ à la retraite ?

Pour une question de cohérence : cela fait plus de 20 ans que la CFDT affirme son opposition à une telle mesure. Parce que le report de l’âge c’est la mesure la plus injuste, pour plusieurs raisons. C’est injuste pour les personnes ayant cotisés assez de trimestres et qui vont devoir continuer à travailler jusqu’à deux ans de plus pour pouvoir partir à la retraite. Et ce, sans même pouvoir bénéficier d’une majoration. C’est donc particulièrement injuste pour les personnes qui ont commencé à travailler tôt. C’est aussi injuste pour les personnes qui ont des difficultés pour se maintenir en emploi ou qui ont des métiers pénibles. Et c’est injuste pour celles et ceux qui ne sont déjà plus en emploi au moment de partir à la retraite. Enfin, elle est injuste parce qu’elle fait peser le poids uniquement sur les travailleurs, sans efforts en contrepartie des employeurs.

L’efficacité économique de cette mesure est contestable. Le premier effet est même négatif sur les autres branches de la Sécurité sociale : les personnes qui sont au chômage à l’approche de la retraite le sont plus longtemps, donc cela pèse sur les comptes de l’Assurance chômage. Idem pour celles et ceux bénéficiant des allocations familiales, ou en arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelles : ces situations durent plus longtemps et cela réduit d’un tiers les économies attendues par la réforme.
On peut aussi craindre une hausse du chômage à court terme. Si les séniors restent plus longtemps dans les effectifs des entreprises, cela diminue le nombre de poste à pourvoir. Et si, au contraire les effectifs augmentent, cela freine souvent les augmentations salariales. Que ce soit hausse du chômage et/ou stagnation des salaires, cela représente une évolution plus faible des cotisations retraites et des recettes fiscales de l’Etat. Donc à court terme c’est même contre-productif.

 

Qu’est-ce qui pourrait changer pour les minimas de pension ?

Le Gouvernement propose que, pour les personnes qui ont une carrière complète, le minimum contributif (le MiCo) soit porté à 85 % du Smic en intégrant la complémentaire et qu’il soit indexé sur le Smic. La CFDT considère qu’il faut revenir à l’ambition initiale : porter les pensions de ceux qui ont une carrière complète à 100 % du Smic net. Et cela, pour les futurs retraités comme les actuels. La CFDT porte aussi des propositions pour simplifier le minimum contributif, car le système actuel pénalise certains travailleurs, par exemple ceux qui ont perçu une pension d’invalidité pendant une bonne partie de leur carrière.

Concernant l’Aspa (allocation de solidarité des personnes âges, ex-minimum vieillesse), ses règles d’attribution peuvent être dissuasives. La proposition de la CFDT de relever de 39 000 euros à 100 000 euros le seuil de succession à partir duquel cette aide peut être récupérée sur les héritiers a été reprise par le Gouvernement.

 

Comment va évoluer le dispositif de pénibilité ?

La CFDT note qu’il y a des améliorations pour le C2P, comme l’abaissement de certains seuils pour acquérir des points ou plus de droits à la formation. Mais c’est largement insuffisant. Pour les 3 facteurs ergonomiques qui ont été exclu du C2P en 2017 (postures pénibles, manutention manuelle de charges, vibrations mécaniques), le Gouvernement prévoit un suivi médical renforcé, qui permettrait d’accéder plus facilement à la retraite anticipée pour inaptitude. Or, on manque de médecins du travail, donc la CFDT se demande comment cette promesse pourra être tenue. Surtout, c’est attendre qu’une personne soit complétement cassée pour lui reconnaitre le droit à s’arrêter.

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