Non à l’évaluationnite comme système de pilotage du travail des enseignants !

Les annonces sur le système éducatif sont pour beaucoup portées par une vision quantitative des apprentissages. Pour le Sgen-CFDT, c'est pourtant la qualité des apprentissages qui devrait primer et non le fait de procéder à des évaluations permanentes.

Évaluations sondage ou évaluations levier d’apprentissage ?

Le ministère veut croire que des évaluations régulières et « bien ciblées » permettront d’une part de mieux connaitre le niveau des élèves, et d’autre part de mieux cibler les pratiques pédagogiques des enseignant.es.
Le Sgen-CFDT a déjà dénoncé une confusion entre la possibilité de faire des évaluations « sondages » pour évaluer le système, et des évaluations pour les élèves comme levier d’apprentissage. C’était en 2018 !

Des évaluations pour diagnostic ont un intérêt certain. On pourrait d’ailleurs utiliser les résultats PISA autrement que pour devenir 1er ministre

Mais pour le Sgen-CFDT utiliser des évaluations nationales pour piloter les modalités pédagogiques du travail des enseignant.es est particulièrement insupportable !

Les enseignant.es sont des professionnels, compétents. Suivre le parcours d’un élève demande du temps long et de la confiance partagée.
Prendre des mesures qui systématiquement sapent dans l’opinion la confiance envers les enseignant.es est particulièrement délétère.

Apprendre ou s’entrainer à des épreuves d’évaluations ?évaluations

Par ailleurs, piloter l’enseignement par des évaluations nationales  risque de conduire à une dérive déjà observée parfois : confondre le travail sur les apprentissages avec la préparation aux évaluations.
On connait bien déjà ce biais en lycée pour la préparation aux épreuves de bac, mais cela existe parfois désormais aussi dans le 1er degré. L’introduction d’évaluations nationales au collège, éventuellement comme levier de changement de groupe de niveau, est très inquiétante.

On sait que certains élèves ne maitrisent pas les outils numériques sur lesquels ils doivent passer les évaluations. Si elles sont de plus adossées à des changements de groupes, voire de classe, ces élèves seront-ils condamnés à rester dans les groupes de niveau les plus faibles, faute de pouvoir correctement répondre aux questions ?  Quel stress cela va-t-il générer pour des familles déjà anxieuses pour l’avenir de leurs enfants ?

Le ministère aura du mal à démontrer aux parents d’élèves que leur enfant ne restera pas toute sa scolarité dans un groupe de niveau identique (notamment dans le niveau le plus faible).

Alors que la plupart des systèmes éducatifs internationaux abandonnent ces évaluations massées, notre Ministère, lui, prend le chemin inverse en décidant de les généraliser annuellement du CP à la Troisième. Perte de temps, perte d’argent, cette évaluationite aigüe est pourtant dénoncée par PISA : « les élèves ne doivent pas passer leur temps à préparer, être évalués et de nouveau préparer l’évaluation suivante. Il convient de favoriser le temps d’acquisition de connaissances et de compétences ».

Répartir des élèves entre groupes de niveaux, mais avec le même programme ?

Cette souplesse entre groupes a notamment pu être introduite en Langue Vivante en lycée il y a plus de 10 ans : est-ce le modèle retenu ? Non, a priori, là il s’agit d’organiser des regroupements d’élèves en fonction des résultats à ces évaluations nationales, sans aucune formation des enseignant.es (ou pendant les vacances pour les volontaires), sans temps de concertation, sans changement de programmes ou de référentiels de compétences (et avec des moyens insuffisants).
Comment les élèves pourront-ils suivre (et maitriser) le même contenu quel que soit le groupe, et ainsi naviguer d’un groupe à l’autre ?  Cette façon anglo-saxonne de penser la scolarité n’est pas du tout compatible avec l’organisation du système français.
Imaginer qu’en quelques mois tous les enseignants de collèges pourront suivre une même progression (même avec un manuel unique), que tous les élèves apprendront au même rythme à cause de modulation de leurs effectifs, et que les paliers deviendront des repères objectifs dans les apprentissages est assez déraisonnable.
Pour le Sgen-CFDT, la méthode dans l’Éducation nationale continue d’être celle de la pensée magique : « j’ai dit » donc, ce sera. Avec quelles conséquences sur les conditions de travail des personnels ? Sur le bien-être des élèves ? Sur leurs apprentissages ?

Le dénigrement du professionnalisme des enseignant.es

L’évaluation est avant tout un acte professionnel réalisée par les ingénieurs pédagogiques que sont les enseignants et permettant de remédier aux difficultés de l’élève, mais aussi de le valoriser lorsqu’il fait des progrès.
Les évaluations nationales massées n’ont pas ce rôle en dépit de ce que veut nous faire croire ce ministère. Les enseignants n’en ont aucunement besoin pour situer l’élève ou lui construire un plan de remédiation.

D’autre part, cette généralisation va avoir au moins une conséquence sur les classes du CP au CM2. Il y a d’abord la perte du temps d’apprentissage pendant la phase de passation des épreuves. Il y a ensuite la perte de 6 heures d’Activités Pédagogiques Complémentaires pour tous les élèves. Seul dispositif novateur permettant de mettre en place une pédagogie différente en petit groupe, les APC prennent sens pour de nombreux enseignants.
Sauf à reconnaitre la charge de travail supplémentaire des professeurs des écoles par un autre moyen, c’est donc bien le temps d’apprentissage des élèves qui sera impacté par ces mesures.

Vers la fin de l’ingénierie pédagogique des enseignant.e.s ?

Si le métier évolue en permanence, les mesures prises depuis des années sont sources de perte de sens : la faible attractivité du métier le démontre. L’horizon prévisible d’une réduction de plus en plus grande de la liberté pédagogique, de la valorisation d’un métier d’exécution au détriment de la conception pédagogique, d’une plus grande pression sur les résultats obtenus, est en profonde contradiction avec la vision d’un système éducatif reposant sur la confiance aux équipes, leur pouvoir d’agir, et l’émancipation pour les élèves.

C’est encore une fois le reflet d’une école d’un autre temps auquel le Sgen-CFDT ne souscrit pas.