Conseil Supérieur de l’Éducation du 18 décembre 2018 : déclaration liminaire du Sgen-CFDT

Le Sgen-CFDT s'exprime à propos de la réforme du bac et du lycée général et technologique, et plus spécifiquement sur les projets de programmes.

Le Sgen-CFDT dénonce depuis des mois le caractère bâclé d’une réforme du bac et du lycée général et technologique, en passe de rater l’essentiel, à savoir la réussite des lycéens et la construction d’un véritable parcours bac-3 bac+3. Ces réformes présentent à l’heure actuelle trop de défauts, d’incohérences et d’imprécisions, que la publication des programmes ne va pas résoudre.

Programmes : points de vigilance

Pour notre organisation, les principaux points de vigilance dans ces projets de programmes sont les suivants :

•    la liaison Socle / Seconde

•    la cohérence entre tronc commun et spécialité

•    la liberté pédagogique par rapport au découpage des thèmes dans le temps

•    la place pour l’oral et le projet dans les spécialités

•    le type d’évaluation prévu

•    l’identification des besoins en  formation

– Les programmes de Seconde s’inscrivent bien dans la poursuite de ceux du collège, mais n’intègrent pas le besoin de consolidation des compétences et connaissances du socle en début d’année. La phase d’atterrissage et d’adaptation proposée dans le rapport Mathiot a bel et bien disparu en cours de route, ce qui compliquera le travail des enseignants en Seconde. Les programmes sont plus lourds avec des objectifs plus ambitieux dans le même cadre horaire. Le risque de décrochage d’une partie des élèves, sans autre horizon que le redoublement ou la réorientation, n’est pas anticipé alors qu’il est réel.

– Les projets de programmes n’ont pas à notre sens résolu la question de la cohérence entre tronc commun et spécialités. L’exemple des Mathématiques est à ce titre le plus éclairant. Alors que le rapport Villani-Torossian préconisait en même temps de former des spécialistes et de réconcilier chaque génération avec les maths, on a oublié le second objectif en cours de route.

– Les programmes de terminale et donc leur articulation avec les attendus du supérieur ne sont pas connus pour l’instant, ce qui pose un problème majeur pour accompagner les lycéens dans leur parcours. Les apprentissages transversaux, prévus dans les enseignements communs et dans chacune des spécialités, seront-ils une « assurance » suffisante pour réussir des études post-bac ? Quels éléments seront valorisés : les notes des seules spécialités de terminale ? de première ? qu’en sera-t-il des options ? Qu’est ce qui fera la pertinence d’un parcours : les résultats  de chaque spécialité à l‘épreuve terminale, ou la pertinence du choix de 3, puis 2 spécialités pour se préparer à un cursus post-bac ? Comment le droit à l’erreur et au changement de parcours sera-t-il permis ? Y aura-t-il égale dignité pour chacune des spécialités ou, comme aujourd’hui avec la filière S, des choix plus « utiles » que d’autres ?

– La mise en œuvre de la nouvelle spécialité NSI nécessite des personnels formés dont le vivier reste à constituer. Cette question n’a visiblement pas été suffisamment anticipée. L’enseignement Sciences numériques et technologie en seconde pose aussi clairement un problème de ressources humaines, que pour l’instant le ministère minimise.

– La question de l’évaluation reste à l’heure actuelle un angle mort majeur de la réforme. L’argument des « bacs blancs qui comptent » utilisé dans la communication ministérielle n’est pas une réponse satisfaisante : faudra-t-il des « bacs blancs qui ne comptent pas » pour préparer « les bacs blancs qui comptent » ? Le calendrier des épreuves de contrôle continu du bac annonce une accentuation des travers du lycée actuel, à savoir la pression de l’examen et l’intensification du travail des personnels. Il est impératif de prendre le temps du débat, en identifiant ce qui relève de l’évaluation des apprentissages et de la certification du diplôme, en définissant les modalités les plus appropriées pour chacun des deux, et en accompagnant les équipes dans ce chantier. Il faut également ouvrir sans délai des concertations sur la nature et les modalités de passage des épreuves terminales, en particulier celle du grand oral.

Nous pouvons d’ores et déjà prendre rendez-vous dans cette enceinte : les programmes seront revus et allégés sans doute très rapidement, comme sera revu, et ça a déjà été annoncé, le calendrier des épreuves. En particulier il faudra revenir sur l’effacement de l’accompagnement personnalisé des espaces de co-intervention et des démarches de projet pluridisciplinaires, car les programmes vont aboutir à une mise en échec et à l’écart des élèves les plus éloignés de la culture scolaire classique.

à marche forcée dans le brouillard…

Cette avancée à marche forcée dans le brouillard est anxiogène pour les élèves, leurs familles comme pour les équipes pédagogiques. A ce stade il est nécessaire de desserrer le calendrier prévu pour traiter dès maintenant les points qui devront de toute façon être revus.

Le Sgen-CFDT demande en conséquence un report de la mise en œuvre de la réforme du lycée pour leur permettre de travailler, et pour faire évoluer le cadre de la réforme par des négociations à tous les niveaux. Cela impose a minima une application en seconde à la rentrée 2019, une application en première décalée à la rentrée 2020 et en terminale à la rentrée 2021.